vendredi 21 novembre 2014

Parlons de Slut-Shaming

Hier, sur Ask.fm, j'ai reçu une question for intéressante de Moly, qui me demandait en substance "pourquoi es-tu contre le slut-shaming? Que penses-tu de la vulgarité? Que penses-tu de Miley Cyrus et de l'image qu'elle donne auprès des jeunes."



Je suppose que ce n'est pas sans lien avec ma réaction à cet article "Florence Foresti tacle Miley Cyrus et Jenifer Lopez "Ce sont des pornstars!" " , dans lequel on glorifie le soi-disant féminisme de l'humoriste, pourtant à base de slut-shaming, ce qui de mon point de vue est antinomique. Ce n'est pas ma vision du féminisme (notons qu'il n'y a pas qu'un féminisme mais des féminismes, c'est important de le rappeler).

J'ai donc répondu à la question de Moly, de bonne foi, y mettant comme à mon habitude toute ma volonté, soignant la rédaction, y apportant moultitude de sources - non je ne me lance pas des roses, c'est juste pour moi la base d'une réponse honnête, prendre le temps de fournir une réponse précise et détaillée (on me reproche d'ailleurs souvent les tldr - too long, don't read - mais c'est juste ma façon de répondre).
Mais un petit malin a jugé bon de montrer son désaccord avec moi en signalant et donc en supprimant ma réponse , montrant là toute l'étendue de sa stupidité et de son mépris envers le droit fondamental qu'est la liberté d'expression. Oui, toi qui m'a censurée injustement, me bâillonner comme tu l'as fait hier n'était pas de ton droit. D'autant que je suis ouverte à la discussion et au débat d'idées, il te suffisait de dire "je ne suis pas d'accord avec toi". Ce que tu as fait n'est rien d'autre que dire "je refuse que tu t'exprimes".

Bref, passons sur ce point, le fait est que j'ai du coup promis à Moly un article afin de répondre au mieux à sa question.
Mais d'abord, il est nécessaire de revenir sur la définition de ce qu'est le slut-shaming, d'autant que les raisons pour lesquelles je suis contre cette pratique couleront de source après cela (du moins je l'espère).

Le Slut-Shaming, c'est quoi?

La logique du slut-shaming par Lacy Green


 L'expression "slut-shaming" qui nous vient des États-Unis et signifie approximativement "stigmatisation des salopes" ou "couvrir de honte les salopes", désigne le fait de juger une personne - presque exclusivement les femmes - sur ses choix de vie en matière de sexualité, sa façon d'être jugée "indécente" ou même simplement sa façon de s'habiller / de se maquiller.

Le slut-shaming peut prendre une multitude de visages allant du plus insidieux au plus discriminant, mais toujours banalisé au point que ces petites phrases assassines ("tu t'habille comme une pute", "une fille qui couche avec plein de gars c'est une salope" ou "si tu mets ça faudra pas t'étonner qu'on te viole!", "Ah ma salope!") sont acceptées socialement.

Il découle directement de cette injonction machiste : "une femme ne doit être ni trop prude, ni trop libérée sexuellement" - comprendre "ni trop pute". Dès qu'une femme s'aventure un peu trop près de ces deux extrêmes, elle est pointée du doigt, raillée, jugée, elle l'image du vice et de la décadence...



Slut-Shaming et sexualité

Le slut-shaming est très majoritairement une façon de porter un jugement sur les choix de vie d'une personne (quelque soit son genre ou son orientation sexuelle), majoritairement les personnes de sexe féminin (bien que les hommes ne soient pas épargnés), ce qui l'inscrit au panthéon des pratiques sexistes (et de fait anti-féministes).

Comme je le donnais en exemple tout à l'heure, une femme dont la vie sexuelle est "trop" affichée, "trop" atypique, "trop" libérée, est souvent en société pointée du doigt comme si elle commettait une erreur. On en oublie le droit fondamental à disposer de soi et de son corps, a disposer de sa propre vie.
C'est une liberté fondamentale que de faire de sa vie (sexuelle) ce que bon semble à la personne concernée tant que cela ne nuit pas aux droits et aux libertés fondamentales d'autrui et qu'elle est en pleine conscience de ses actes (j'entends par là : tant que c'est bien son choix et non quelque chose qui lui est imposé par autrui).

Comme le dit un article de Madmoizelle: "cela entretient l'idée que le sexe est quelque chose de dégradant pour les femmes". 

Slut-Shaming et culture du viol

L'une des conséquences du slut-shaming c'est qu'elle entretient également la culture du viol en instaurant l'idée que le viol peut découler de l'attitude de la victime.

"Tu n'avais qu'à pas t'habiller comme une pute, aussi."
" Bah tu couche avec tout le monde, faut pas venir te plaindre."

Comme si le fait d'avoir une vie sexuelle libérée ou de s'habiller de telle ou telle façon justifiait un viol. On culpabilise la victime plutôt que de pointer le doigt sur le problème essentiel: l'entière faute incombe au violeur. Il n'y a aucun débat à avoir sur ce fait simple.

Les femmes (et autres) n'ont pas à s'ajuster aux comportements déviants, c'est aux comportements déviants d'êtres punis et de disparaitre.

D'autre part, on instaure par le slut-shaming l'idée que les femmes doivent s'attendre à avoir de sérieux problèmes si elles ne se brident pas.
Ça peut être des choses très banales comme cette phrase que m'a dit ma mère - sans mauvaise volonté, elle m'a dit cela avec toute l'inquiétude que peut avoir une maman -  après que je lui ai raconté qu'on m'avait prise pour une prostituée alors que j'attendais devant Carrefour qu'un ami vienne me chercher en voiture, je lisais, et j'étais en mini-short : "C'est trop dangereux, tu devrais pas porter un short, mets plutôt des pantalons".
Elle n'a pas compris en quoi ce qu'elle venait de me dire était mauvais. Je lui ai juste répondu "j'ai pas a arrêter de me saper comme j'en ai envie, c'est aux autres d'arrêter d'être cons."

Parce que c'est ma liberté, parce que plier est comme accepter qu'une femme doit s'attendre à subir le pire si elle ne modifie pas son comportement, c'est ça la culture du viol.

Je re-cite l'article de Madmoizelle:

"À un niveau plus global, le slut-shaming encourage le viol : si une femme a certains vêtements ou comportements, cela signifierait qu’elle ne peut pas dire non (puisqu’elle aime ça, puisqu’elle le cherche…). Du coup, les filles veulent éviter d’avoir une réputation de salope de peur de se faire agresser ; du coup, ces comportements deviennent de plus en plus stigmatisés – et la liste de ce qui est provoquant s’agrandit de plus en plus. Cercle vicieux."



Slut-shaming et vulgarité



Je l'ai précisé hier dans ma réponse, je fais une distinction entre "impudeur" (disons-le comme ça) et vulgarité.

La vulgarité regroupe un ensemble de comportements, allant du langage à la gestuelle, qui sont considérés comme grossiers. Ainsi, dire "salope" est vulgaire, comme le fait de se curer le nez en public ou de faire un doigt aux passants en criant "va niquer ta mère".

Ça, c'est vulgaire; faire preuve d’extraversion en ce qui concerne sa vie sexuelle ou s'habiller de façon jugée "provocante" (tu le sens la culture du viol dans ce simple mot, aussi?), ça n'est pas de la vulgarité.
Un film porno est pour moi une chose vulgaire, une femme qui choisit librement d'exercer le métier d'actrice porno n'est pas vulgaire. Vous voyez la nuance?

Une personne qui porte une mini-jupe, des bas résilles et choisi un maquillage voyant n'est pas vulgaire. Une personne qui twerke n'est pas vulgaire.

Alors effectivement impudeur et vulgarité sont des concepts proches que l'on omet souvent de distinguer, mais c'est important de revenir sur la définition du mot "vulgarité" parce que le slut-shaming raille de nombreuses femmes sous prétexte qu'elles sont vulgaires.


Pour revenir plus en profondeur sur tout ces points je vous suggère de (re)lire l'excellent article de l'Elfe sur Les Questions Composent: La Nouvelle Salope.
Elle y traite en outre le rapport entre hyper sexualisation infantile et slut-shaming, sujet que je n'aborde pas ici. 


Parlons donc un peu de Miley Cyrus


Puisque c'est la troisième partie de la question. Mais ce que je vais dire ne s'applique évidemment pas qu'à elle.

Miley est une cible toute désignée pour les slut-shameurs, parce qu'à travers ses clips et ses apparitions elle nous donne une image mêlant sexualité débridée, corps nus et huilés et grestes provoc'.

Alors je dois commencer par dire, puisque ça répond à la question: je ne m'intéresse qu'à la musique, pas à l'image que renvoie un artiste. Je n'aime pas la musique de Miley Cyrus même si je lui reconnais quand même un beau petit brin de voix et des mélodies qui font mouche. 

Alors, alors, ce qu'on reproche beaucoup à Miley Cyrus c'est donc ses "attitudes de biatche". Comme je le disais plus haut, cette jeune femme est libre de faire ce que bon lui semble, parce que c'est son corps, sa vie, ses choix, et je n'ai pas à avoir un avis là-dessus, pas plus que Sinead O'Connor (et hop placement de lien, pépouze).



Je peux la trouver vulgaire sur certains points, choquante dans certains de ses actes, mais elle n'a pas à être pointée du doigts pour des choses comme son twerk pendant la cérémonie des Music Awards ou le fait qu'elle se présente nue dans son clip Wrecking Ball. 

Quant au fait qu'elle soit un modèle pour les jeunes: certes elle l'est. Bien malgré elle, en fait. On lui donne cette influence sur les jeunes parce qu'on a encore d'elle l'image de la "petite fille sage" qu'elle était chez Disney, et quelque part, c'est peut-être dans un souci d'émancipation que ses choix de vie comme ses choix musicaux entrent en totale opposition avec l'image qu'on avait d'elle. 
Mais dire que le fait de montrer sur scène et dans ses clips une sexualité libérée est un mauvais exemple, c'est du slut-shaming, comme je l'ai expliqué précédemment, parce que, je le répète, c'est impliquer l'idée que "le sexe c'est mal, le sexe c'est sale". 

Je note également un point qui me semble important: elle n'est pas seule responsable de l'influence qu'elle peut avoir. Certes, elle est en partie responsable, elle est responsable du fait que ses agissements - quels qu'ils soient - peuvent avoir une influence néfaste. 
Mais d'un autre point de vue c'est aussi et avant tout aux parents des-dits jeunes d'apprendre à leurs gamins à se distancier par rapport à leurs idoles, à leur apprendre que tout ce qu'elles font ou disent n'est pas forcément "bien". 
Et je ne parle pas d'agissement comme le fait de twerker ou de porter une robe transparente, mais par exemple le fait d'insulter, d'agir de façon oppressive, voire discriminante, etc, comme peuvent le faire de nombreux artistes (là je ne parle pas spécialement de Miley vu que je suis peu son actu, mais j'ai par exemple en tête Justin Bieber crachant sur ses fans, ou Amy Winehouse buvant l'équivalent d'une bouteille entière de whisky sur scène, et autres choses de ce genre). 



Enfin, dernier point. J'ai pu lire que son attitude est due à la pression de ses producteurs, qu'elle "obéit" sagement au sexisme de ses patrons.
Oui sauf que ça c'est lui retirer le peu de libre arbitre qu'elle a, c'est la rabaisser au rang de pauvre petite chose qui ne pense pas par elle-même.
Dois-je vous préciser en quoi ça me dérange qu'on insinue qu'elle n'est pas libre de ses choix?
La victimisation des femmes est un problème, parce qu'en pensant bien faire, on ne fait rien moins que de considérer qu'une femme qui fait - selon soi - de "mauvais" choix ne les a pas fait en pleine conscience de ses actes et sous l'influence des autres.
Certes le sexisme ambiant influe beaucoup inconsciemment sur les femmes en leur mettant dans la tête des idées sexistes que l'on appelle "normes", mais il ne faut pas oublier aussi que chaque être humain est capable de penser par lui-même et peut ne pas être influencé du tout.
Si une femme se maquille ou s'épile, ce n'est pas nécessairement parce qu'on le lui a ordonné, mais parce que peut-être elle en a fait le choix conscient.
Tout comme une femme musulmane qui décide de porter le voile n'est pas nécessairement sous influence.

Dire qu'une personne agit sous influence extérieure, c'est de la présomption. C'est présumer que cette personne est faible et influençable quand il est tout à fait possible qu'elle soit pleinement consciente et libre.


Conclusion

Pour répondre plus simplement à ta question, Moly:

Je suis contre le slut-shaming parce que c'est une pratique sexiste et oppressive qui tend à juger une personne pour ses choix personnels. 
Je n'aime pas la vulgarité, mais je me contre-fous qu'une personne soit impudique et/ou sexuellement libérée. 
Je me fiche pas mal de l'image que renvoie Miley Cyrus par le biais de ses choix personnels, mais désavoue des actes que je juge déplacés qui véhiculent des concepts tel que le racisme. 

En espérant avoir pu te fournir une réponse claire et détaillée. ^^ 

Pour clore cet article, quelques liens: 

- Slut-Shaming - Les Inrocks
- Pour la défense Miley Cyrus, arrêtez le slut-shaming  (l'article est un peu mal tourné mais soulève des points intéressants)
- Miley Cyrus : icone thrash ou néo-féministe?  (oui, Elle, on dit "thrash", pas "trash", merci)
- Slut-Shaming - Wikipédia
- Slut-Shaming - Huffington Post


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Au /à la petit.e merdeux.euse lâche qui m'a signalé sur Ask:

Tu peux supprimer une QA sur Ask, c'est bien, t'es un.e caïd, bravo, mais ça suffira pas à m'empêcher de m'exprimer, sale con.ne. 

#KeaganEnModeVulgaireVénère

Bisous.

8 commentaires:

  1. Si je suis d'accord sur le fond, il ne faut pas oublier la réalité. Certains individus membrés ne sont pas capables de contrôler leur engin, CA c'est la réalité. On aura beau pondre tous les beaux discours du monde sur le droit à se promener en bikini au nom du droit de la femme à s'habiller exactement comme elles le souhaitent. La réalité, c'est que cela va aguicher certains individus, c'est moche peut-être, mais c'est comme ça.

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    1. Mais oui suis-je bête, le mâââââââââle est l'élément inchangeable, c'est à la fâme de se soumettres a la bestialité de l'homme, mais oui.
      La réalité c'est que ce que tu dis sors de la bouche du patriarcat qui veut ue les femmes sont des invitées.
      Ouais sauf que non.
      Les mecs peuvent tenir leur bite dans leur froc aussi, et comprendre que les femmes ne sont pas des bouts de viande posées là pour leur bon plaisir.

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    2. Eh ben dis donc, je pensais qu'on était au 21 eme siècle mayrde, je me suis trompé? Ce serait gentil de pas mettre tout le monde dans le même sac et de sortir un peu de chez soi, d'éteindre sa télé et de rencontrer des gens différents. ça ferait du bien à l'humanité que les gens voient PLUS LARGE sur ce qui les entourent. Non les hommes ne sont pas des bêtes en rut incapables de se contrôler, ça c'est dans les romans de Barbara Cartland, après la fiction, il y a la réalité.

      C'est mal de penser que les femmes peuvent contrôler leur libido et pas les hommes, ça creuse encore le fossé entre deux individus dont le cerveau fonctionne pourtant EXACTEMENT de la même manière. Mais bon, je vois que le conditionnement sociétal fait bien son office concernant certaines personnes, c'est triste... Déprimant et REVOLTANT !!

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    3. Je plussoie très fort, Keir. ^^

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  2. Le dernier gif qui illustre le tout avec brio ^^

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  3. Keir, retourne lire mon commentaire avec tes doigts. J'écris "certains" et toi tu lis "tout le monde".

    Keagan, retourne lire mon commentaire avec tes doigts. Tu viendras me dire ensuite d'où sort ce "le mâââââââââle est l'élément inchangeable, c'est à la fâme de se soumettres a la bestialité de l'homme" qui n'a strictement aucun rapport avec ce que j'ai pu écrire. Si je décris une réalité, je ne vois pas où j'écris que la femme serait pour autant à se soumettre, d'où sort ce raccourci à deux balles ?

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    1. Tout ce qu'on peut te répondre n'a pas forcément dessein à être un copié collé de ce que tu dis, hein.
      Et je t'ai bien lu, et ce que tu dis c'est juste sexiste et complétement faux. Non tu ne dis pas "une réalité".
      Le fait de dire que les hommes sont émoustillés par la vue d'une femme en mini jupe et que donc cette dernière doit montrer de la pudeur, c'est considérer que la femme doit se soumettre à la bestialité de l'homme, ces deux assertions veulent dire la même chose, donc non ce n'est pas un raccourci à deux balles, et surtout l'une comme l'autre ne sont ni vraies en dehors d'un système sexiste et patriarcal ni acceptables.

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  4. Je n'ai certainement pas écrit que la femme devait montrer de la pudeur, pour la deuxième fois, va relire ce que j'ai écrit.

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