La dyscalculie
Ce graphique quoique simple représente bien tout ce qu'implique la dyscalculie.
Comment j'ai su?
A vrai dire je n'ai jamais été détectée. Enfant, j'avais des difficultés, des notes passables, il n'y avait aucune raison de me faire voir par quelqu'un pour me diagnostiquer. Comme beaucoup d'enfants on a mit ça sur le compte de "elle n'a pas la bosse des maths".
C'est marrant parce que mes proches pensaient que j'étais bonne en tout, surtout la mère de ma meilleure amie qui me prenait souvent en exemple, mais c'était faux, j'étais mauvaise dans beaucoup de choses, en maths comme en français. J'étais loin d'être la bonne élève, j'ai rarement été au-dessus de la moyenne.
Seulement je faisait beaucoup d'efforts, et j'ai réussi à passer à travers les mailles tant bien que mal. Parce que j'étais curieuse, j'avais envie d'apprendre, je me démenais comme je pouvais malgré mes dificultés.
Mais j'ai cumulé des lacunes que j'ai dû trainer toute ma vie. Notamment en maths.
J'avais énormément de mal à faire un calcul mental, je ne parvenais pas à apprendre une leçon ni à lire l'heure.
J'ai su lire l'heure vers 16 ans, et encore aujourd'hui je vérifie au moins trois fois pour être sure de ne pas me tromper et j'arrive systématiquement longtemps en avance ou en retard parce que je ne maitrise pas les durées.
Au collège, j'ai eu de bonnes notes, je suis arrivée en sixième dans la classe d'un professeur génial, qui m'a aidé à apprendre la table de 6, notamment. Tous les autres élèves connaissaient toutes leurs tables de multiplications, moi je n'en connaissait que la moitié parce que je n'arrivait ni à conceptualiser une multiplication ni à me souvenir des résultats. Alors ne parlons pas des divisions...
Mais le fait est que je suis tombée sur un prof très doué (que j'ai eu en 6ème et en 3ème) qui a réussi à faire en sorte qu'un jour j'ai ramené un 19/20 à mes parents, et j'en étais très fière. Pendant le collège, j'ai adoré les maths, j'ai commencé à comprendre quelques trucs, à focaliser mon attention sur les chiffres. Je comprenais la logique des chiffres.
Jusqu'à la trigonométrie. :o) En troisième le niveau à monté d'un cran, de nouveaux concepts, que je n'ai jamais réussi à maitriser. Là encore les lacunes se sont cumulées. Et je n'ai jamais réussi à retrouver le niveau que j'avais au collège.
Malgré cela, au lycée, j'ai réussi à obtenir une note de 12/20 au bac.
Par contre, j'ai toujours été douée en géométrie, même si je n'ai jamais été foutue de faire un triangle rectangle vraiment rectangle ou un carré avec quatre angles droits. :o) (et en parlant de ça, je suis incapable de reproduire une frise un peu complexe sans la décalquer, comme des entrelacs celtes par exemple, je n'arrive pas du tout à comprendre comment les lignes fonctionnent entre elles, même si je me concentre une heure dessus - et c'est pour ça que je ne sais pas dessiner des cadres, que je ne maitrise pas du tout la perspective et que j'ai mis trèèèèès longtemps à comprendre les proportions des corps).
J'étais aussi très bonne en physique/chimie et svt.
Mon parcours scolaire me porte à dire aujourd'hui qu'on peut être dyscalculique et pas trop nul en maths. Vous savez, si on prend le pendant littéraire, la dyslexie, c'est comme après quelques mois d'orthophonie. On est toujours dyslexique, mais on peut limiter la casse.
Il y a des concepts mathématiques que je comprend très bien, mais je suis toujours gênée pour lire l'heure, je suis incapable de compter ma monnaie correctement, d'évaluer une durée ou une distance, il me faut trois fois plus de temps pour répondre à un calcul mental simple, je ne peux pas retenir plus d'un numéro de téléphone à dix chiffres, je n'ai pas de mémoire des dates, et je ne sais pas dire quel âge aurait untel s'il était né telle année. Je compte encore sur mes doigts avec beaucoup de mal pour faire 25-7 (vécu aujourd'hui).
Je confond ma droite et ma gauche, j'ai énormément de mal à lire un plan, encore plus s'il n'est pas dans le "bon" sens (si le nord est en bas, par exemple), pour conceptualiser une chronologie, je dois l'écrire sur une ligne, etc etc etc...
Un jour, je sais plus si c'était quand j'allais en terminale, aux Beaux-Arts ou à la fac, à cette époque là ma nièce était à l'école et avait de très grosses difficultés en maths. Je suis tombée sur un prospectus parlant de la dyscalculie, qui disait que de nombreux enfants en souffraient sans le savoir parce que ce trouble est très mal détecté, par les parents ou les enseignants. Je n'en avait jamais entendu parler avant ça. J'ai lu les symptômes de base listés sur la feuille, et j'ai compris que j'étais dyscalculique.
C'était il y a quoi (détail en rapport à ce sujet, pour compléter cette phrase, je vais faire un calcul écrit, comme je le fait à chaque fois, si par exemple je vous dis : "je suis allée au Canada en 2011, c'était il y a", je dois le calculer, de tête je n'y arrive pas, pourtant une fois posé je me rend compte que c'est un calcul très simple, donc déjà que je ne sais pas exactement en quelle année c'était - je dois d'abord partir d'une date dont je me souvienne, et ce sera 2007, mon bac, donc ça situe entre 2007 et 2010), donc c'était il y a 4 ou 7 ans.
C'était y'a pas longtemps, quoi.
Depuis je me renseigne pas mal sur le sujet, et c'est de plus en plus évident: je suis dyscalculique.
Je suis tellement contente d'avoir pu mettre un mot sur ce que j'ai toujours considéré comme des bizarreries ou des déficiences dans mon intelligence, qu'aujourd'hui je le sors à toutes les sauces, je le tourne dans ma bouche, parce que ça fait du bien de pouvoir se dire "je ne suis pas débile, ni bizarre, je suis dyscalculique".
Je le sors pour plaisanter, pour me moquer de moi-même ou parfois tout simplement parce que c'est une façon d'expliquer "non, je sais compter, mais là tu vois, j'ai plein de pièces, un livre de 7€40 + un stylo à 0,98ct à payer, je vais soit donner un billet de 10€ soit payer par carte parce que je suis pas sure que la somme des deux articles soit inférieur à 10."
La dernière fois que je suis allée chez Gibert avec Keir, j'ai pioché des livres par-ci par-là, j'ai essayé de compter, et j'en était arrivé à penser que j'avais dans mon caddy pour entre 20 et 30€ de livres. J'en ai eu pour plus de 70€. :o)
Dois-je vous dire que j'ai horreur des soldes à cause de ça? :o)
Alors heureusement y'a des commerçants intelligents qui affichent une grille de prix avec les remises. Mais ça m'aide pas à calculer le prix total de tout ce que j'achète.
Vous vous doutez bien qu'avec tout ça, tenir un budget... J'arrive à ne pas finir le mois dans le rouge, mais c'est justement parce que j'essaie d'être prudente.
J'ai l'air d'une grosse radin, à dire "c'est cher quand même" à tout bout de champs, mais c'est juste parce que je ne sais pas me représenter ce qu'une telle dépense représente dans mon budget. J'arrive donc a être dépensière et économe tout à la fois. :o)
Bref, faire les courses, les magasins, je dépense toujours soit beaucoup trop soit quasi pas.
Pour les autres symptômes: cf là
NB: j'ai tiqué très longtemps sur ce point: "Faible inhibition latente, autrement dit, plus de sensibilité au bruit, à l’odeur, à la lumière et incapacité à faire la sourde oreille, à filtrer les informations et impressions non désirées. Peut avoir une imagination très développée à cause de cela (peut-être à titre de compensation cognitive de la déficience en calcul)."
J'ai bien envie de dire, "ceci explique cela".
Et en parlant du fait d'avoir des difficultés à lire un nombre et le recopier (un numéro de téléphone par exemple), sachez que je ne sais pas lire les nombres qui ont plus de 5 chiffres d'un seul coup. Par exemple, au pif: 48656453. Comme ça je ne peux pas le lire (et pour le recopier une deuxième fois je devrais le faire en cachant les chiffres de droite au fur et à mesure), déjà je doit l'écrire avec les groupes de 3 sinon je mélange les chiffres 48 656 453 (et ne pensez pas que faire ça ne m'a pas demandé un effort de ouf), je dois passer par une phase de séparation par la droite: je sais lire 453, je sais que le chiffre avant représente les milliers, (je cache les chiffres de gauche avec mon doigt), donc 6 453, donc je parvient à lire 656 453, mais après je bloque toujours en me demandant après "y'a quoi qui vient, les millions ou les milliards?" (je confond les deux). Il m'aura fallu un long cheminement pour réussir à lire ce chiffre et ça aura impliqué l'utilisation de mes doigts.
De fait, dans un texte où il y a des chiffres, je ne lis pas les chiffres, je comprend à peu près ce qu'ils représentent mais je ne les lis pas, et quand j'écris un article, c'est tout con, je les copie colle, j'ai pas besoin de les lire. :o)
Pour rester un peu sur cet article wiki, la seule chose qui diffère vraiment de moi, mais je pense qu'il doit y avoir des degrés de gravité comme il y a des myopies plus ou moins graves ou des dyslexies plus ou moins graves, cette chose c'est que pour calculer 4+3, je ne pars pas de 1 pour aller jusqu'au résultat, je pars de 4, mais je compte quand même sur mes doigts. Et je peux réussir à me tromper. :o)
Et quand je dois calculer par exemple 8+9, je pars de huit, mais en comptant 8, 9, 10 ect je ne sais pas à quel moment j'ai atteint le résultat.
Très récemment j'ai compris que puisque 8+8=16, ça fait 17, youhou (y'a aussi des résultats que j'ai appris par coeur, mais c'est pas pour autant que je comprend la démarche ni le concept), mais avant de réussir à maitriser ce système pour des calculs simples (unité+unité), je devais d'abord visualiser mes neuf doigts, puis les compter en les ajoutant à 8, je comptais donc deux fois. Une première fois pour visualiser combien de doigts font 9, et combien ça fait si j'ajoute ces neuf doigts à huit.
CA VA VOUS SUIVEZ?! :o) Et ça c'est pour unité+unité.
Tu comprend pourquoi toute ma vie je me suis tapé des sales notes ET des remarques désagréables de mes profs, en calcul mental? :o)
"Et tu veux travailler dans la vente", qu'on m'dit, l'air désapprobateur.
Oui, je vais vous expliquer un truc: la dyscalculie c'est comme pour la dyslexie: ça se soigne, et on peut s'adapter. Dites vous que si j'ai réussi à obtenir un 19/20 envers et contre tout, je peux apprendre à tenir une caisse.
Comme en tant que myope je porte des lunettes pour corriger mon défaut de vision, on peut corriger la dyscalculie autant que la dyslexie. On n'y arrive pas tout seul cependant, d'où les orthophonistes.
Dans mon cas j'ai de la chance, ma dyscalculie n'est pas invivable, avec le temps j'ai trouvé des astuces pour contourner les problèmes engendrés, et certains se sont atténués au fil du temps à force de me concentrer dessus.
Il y a franchement des cas plus problématiques que le mien.
Donc oui, je vais me lancer dans la vente, parce que c'est ce que j'ai envie de faire. Et comme on ne dit pas à un dyslexique qu'il ne pourra jamais lire un livre, on ne dit pas à une dyscalculique qu'elle ne pourra jamais encaisser un article.
C'est comme pour l'anxiété, d'un côté on a des gens qui veulent à tout prix vous guérir à coup de "mais non t'inquiète, tu te prend trop la tête, je vais te sortir moi!" et de l'autre il y a ceux qui vous disent que puisque vous êtes atteint de trouble anxieux, ou de dyscalculie, vous disent que "tu ne pourra jamais faire ça, laisse tomber".
Sauf que voilà, ces troubles se domptent, s'atténuent, voir peuvent se guérir. Au pire, on peut s'en accommoder et s'adapter.
Je peux être ce que je veux, dyscalculie ou pas, troubles anxieux ou pas, ce n'est pas une fatalité qui doit dicter ma vie.
Pour aller plus loin:
- Dyscalculie, un handicap qui compte - Allodocteur
- Dyscalculie - Centre d'Evaluation Neuropsychologique et d'Orientation Pédagogique
J'espère que mon article vous aura appris des trucs. ^^