Comme beaucoup de femmes ces derniers temps j'ai été affligée par la dernière "vidéo potache" de l'ami Gaillard. Je n'en ai vu que des screenshots, suffisamment pour en avoir des envies de coller des baffes.
Poster un nouvel article là-dessus, ça fait redondant vous me direz, d'autant que de meilleurs ont été postés avant que l'idée ne germe dans ma tête. Mais moi aussi, je me suis sentie insultée par cette vidéo qui n'est qu'un exemple de plus de ce qu'on appelle le sexisme ordinaire.
Je ne vous mettrais pas de lien vers cette vidéo, je n'ai aucunement l'envie de lui donner des vues, donc une popularité, qu'elle soit basée sur du positif ou du négatif. "Parlez de moi en bien ou en mal mais surtout parlez de moi", c'est tout aussi vrai, j'en deviens l'engrenage même en en parlant, mais je peux du moins vous demander de ne pas donner de vue en plus à cette vidéo.
Petit rappel des faits, Rémi Gaillard, vidéaste humoriste montpelliérain - en somme une petite "fierté" régionale - a récemment remué le web et surtout indigné nombre de féministes, mais pas que, en publiant une vidéo dans laquelle il mime l'acte sexuel en trompe l’œil sur des femmes dont l'avis n'a été demandé qu'après coup.
Les réactions ont fusé du côté des femmes qui comme moi se sont senties indignées, mais aussi du côté des soutiens à Rémi Gaillard, pour qui les premières sont des "prudes" ou des "salopes", c'est selon l'humeur on dirait. Ou tout bêtement des féministes chiantes, qui n'ont pas d'humour et prennent la mouche "pour si peu".
Dans un premier temps notons le fait qu'on peux avoir de l'humour mais ne pas trouver une chose drôle. Personnellement, par exemple, Canteloup ne me fait pas rire. Manquè-je pourtant d'humour? Non, je ne trouve juste pas ça drôle, c'est comme ça. Je suis pourtant quelqu'un qui rit facilement de tout et n'importe quoi.
Simplement quand une vidéo se veut drôle et potache là où elle met en scène une situation humiliante, déjà vécue par beaucoup de femmes dont moi, ça ne me fait pas rire, et non, ce n'est pas drôle.
Elle place les femmes en tant qu'objets baisables, et non plus en tant que personnes. C'est un rôle d'objet qu'on tient bien trop souvent dans la vie réelle.
Monsieur Gaillard n'a pas compris en quoi sa vidéo est tout simplement sexiste, ni plus ni moins. C'est tout simplement parce qu'elle fait remonter quelque chose d'abject. Elle ramène au rang de plaisanterie un acte invasif, humiliant, déshumanisant que les femmes (majoritairement mais pas que) subissent chaque jour dans le monde.
Il ne semble pas avoir compris qu'une femme n'est pas un objet dont il peut disposer à loisir, que leur demander leur consentement après coup ne compte pas. Comment pourraient-elles après coup refuser quand au quotidien on leur fait comprendre que ça ferait d'elles des prudes sans humour?
Après tout "où est le mal"? se dit-on, parce qu'on nous a habitués à cette normalisation de la femme-objet qui ne doit être ni trop prude, ni trop salope.
C'est ça, le sexisme ordinaire. C'est quand cela devient une normalité contre laquelle on ne peut rien. La galanterie même est une forme de sexisme ordinaire. Quand un homme se fait chevalier servant pour ouvrir la porte d'une pauvre petite femme fragile, on ne pense pas au sexisme, on pense galanterie. Qui irait critiquer cela? C'est normal et nous devrions être heureuses de susciter cette attention.
Il en va de même lorsqu'on nous complimente d'un vif "hé mademoiselle, t'es bonne!". Nous devrions être flattées d'être le centre d'intérêt.
Un jour un mec m'a dit dans la rue que j'avais "une bouche à pipe", avec force mimes. Je ne compte plus les regards lubriques de vieux débris vers ma poitrine, sans compter celui-là qui un jour alors que je marchais avec ma nièce en essayant de rajuster ma veste m'a lancé un grivois "c'est pas la peine, ça fermera pas" sous entendu "t'as de trop gros nichons". Croyez moi, il n'y avait aucune place à l'équivoque quant à ce que sous-entendaient ces quelques mots.
Quand je dis que je voudrais avoir une réduction mammaire à cause de ces regards, de la douleur physique et psychologique que ça engendre, combien de fois ai-je entendu des "tu devrais avoir de la chance, y'en a qui se les font grossir", ou "mais les gros seins c'est beau!" et autres de ce goût là.
Ces regards lubriques, où avais-je la tête! Ce sont des compliments.
Une autre fois en boite un mec est venu se frotter contre moi en caressant mes fesses pendant que je dansait.
Mais je l'ai mérité n'est-ce pas? Je m'étais fait belle juste pour ça, évidemment. Qui plus est, ma façon de danser était un appel au frottage de sexe contre ma jambe, n'est-ce pas?
Et lorsqu'hier j'ai lu ce commentaire m'étant destiné, sur un site de streaming:
Mais ce n'est pas grave! C'est un con, pas la peine d'y prêter attention et d'y répondre.
Il ne savait pas que j'étais une fille, ce sexisme là ne m'est pas dirigé personnellement en tant que femme. Ma mère en est la cible pour le coup.
Il est normal de dire "va niquer ta mère" ou "je baise ta mère", bien sûr. Je vous laisse tout à votre interprétation socio-psychologique de ce que ça révèle. En tout cas ça aussi c'est du sexisme ordinaire et une banalisation de la femme "objet-baisable".
A en croire certains commentaires, nous devrions même être flattées de subir une agression sexuelle, parce que ça montre bien qu'on nous trouve baisables, non? C'est un compliment, non?
Non.
Ça n'est pas acceptable. Cette vidéo n'est pas acceptable. Le sexisme ordinaire n'est pas acceptable.
Ces diverses expériences m'ont salies, m'ont couvert de honte, et m'ont donné l'envie d'arracher ce corps trop "baisable". Mais je sais que ce n'est pas de ma faute, mon corps n'est pas en faute, il m'en a fallu du temps pour le comprendre.
Comme beaucoup trop de femmes j'ai été victime de ce sexisme ordinaire. Et non, revoir à l'écran ces expériences douloureuses et honteuses ne m'a pas fait rire.
Cette vidéo n'est pas drôle. Et s'il n'y avait que cette vidéo... Elle n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. Mais parce qu'il y en a d'autres et parfois des bien pire, on devrait ne pas s'indigner, et passer outre?
On s'insurge parce qu'on ne peut pas laisser cette banalisation de l'agression sexuelle s'installer pépère et permettre que d'autres viennent finir d'ancrer ce comportement dans la normalité.
J'ai lu des commentaires qui disaient "mais il ne les touche pas, il n'y a pas agression". Savez-vous qu'une agression peut ne pas être physique? Une agression peut aussi être verbale et psychologique. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu contact pour que cela soit une agression.
Il n'est pas acceptable qu'il faille être insultée comme l'a été cette bloggeuse lorsqu'on élève la voix contre le sexisme, qu'il soit ordinaire ou non.
Nous ne somme pas des bouts de viande dont on peut disposer sous couvert d'humour.
Nouvelle ligne de défense - il y a la version avec flic. "Ce n'est pas une femme, c'est pas sexiste alors? Ah les féminazi vous ouvrez plus votre gueule là, hein!"
Homme ou femme, l'humiliation reste la même. Et ici quand bien même il ne s'agit pas que d'un homme mais d'un policier, qui ne mérite pas qu'on l'agresse de telle sorte.
Là encore il y a une généralisation de faite. D'un côté on a une vidéo véhiculant l'idée qu'une femme est un objet baisable, de l'autre on a une vidéo qui véhicule l'idée que les flics sont des enculés.
Hel dit dans ce message sur Facebook: "Cela crée un certain ressors comique, et tu [Rémi] sais comment les hommes -
beaucoup d'hommes, voient la sodomie : une humiliation, une soumission."
C'est cela même que signifie le fait d'être "un enculé", à la base. C'est cette idée précisément qui est mise en scène. L'idée selon laquelle un flic - autant qu'une femme - n'est pas respectable.
En tant que féministe pourquoi dirait-on "ah bah si c'est un homme on n'a rien à dire". Le féminisme prône l'égalité. L'égalité dans le respect, et non pas comme beaucoup le pensent un combat visant à supérioriser la femme. Qui plus est selon Rémi Gaillard, le fait que cette vidéo "masculine" existe devrait minimiser la gravité de la précédente?
Ce serait comme tuer quelqu'un et dire ensuite "ah mais c'est pas grave, je viens d'essayer de sauver une vie, l'effet s'annule". En exagérant un chouilla c'est l'idée.
Ce que Rémi Gaillard n'a pas compris non plus c'est en quoi il pouvait être responsable. Selon lui, il a fait de l'humour, et ce n'est pas de sa faute si le monde est sexiste et si des hommes agressent (physiquement, verbalement ou psychologiquement) des femmes.
Seulement cher Rémi, tu es vu et apprécié par énormément de monde. Tu as un impact sur les gens, tu es responsable de ce que tu délivre aux gens.
Tu véhicule l'idée selon laquelle il est normal et drôle de mimer l'acte sexuel sur des femmes qui n'ont jamais accepté ça. Tu es responsable du fait que Bleu Kobalt se soit fait insulter de "sac à foutre", de "salope", de mal baisée, comme certainement nombre d'indignée qui n'ont pas sa renommée sur la toile et dont on ne parle donc pas.
Tu sera responsable si demain un crétin vient reproduire tes actes sur des femmes - et donc sur moi, sur ma nièce, mes amies.
Tu sera responsable si la famille - peut-être les enfants - de l'une de tes victimes voit cette vidéo, et se retrouve pris dans un engrenage de honte, parce que des milliers de personnes l'auront vu aussi.
Tu sera responsable si cet enfant subit des humiliations et moqueries de la part des autres à cause de cette vidéo.
TU ES responsable! C'est de TA responsabilité de réfléchir à l'impact que tu as sur les gens. Tu n'es pas un illustre inconnu, tu es suivi par des milliers de gens.
Tu étais suivi par moi, je te trouvais drôle, fun, désopilant, tu apportais un peu d'absurde dans un monde trop sérieux.
Mais là, Rémi, tu es simplement minable et tes excuses qui n'en sont pas ne te rendent que plus minable encore.
Mais plus que toi, Rémi, ce qui est minable, c'est le sexisme ordinaire que tu contribue à faire vivre.
J'ai souvent été déçue par des personnalités que j'aimais bien, tu n'es pas le premier, tu es juste le premier qui attaque quelque chose qui m'est très proche, quotidien.
Simplement j'ai le pouvoir autant que le devoir d'élever ma voix contre l'oppression dont sont victimes les femmes, le peu de visibilité que j'ai sur le net doit me servir à transmettre des valeurs que je pense justes.
Même si mon article n'est qu'une voix de plus, une redondance, j'ouvre ma gueule, parce que ça doit être fait.
Parce que ne pas s'indigner et se taire par peur de paraitre prude, féminazi, sans humour ou que sais-je, c'est ça, laisser le sexisme ordinaire s'installer et régir nos vies.
Je vous engage aussi à vous indigner massivement.
J'ai renoncé a faire un article sur ce sujet après un long débat de sourds sur Facebook.-__-'
RépondreSupprimerLe fait que certains n'arrivent pas à faire preuve d'empathie, voire même à se plaindre de subir un sexisme similaire quand on leur entourage leur reproche de se faire payé le resto par leur gonzesse, ça me tue!
C'est clair, y'a comme une sorte de tabou, c'est limite "prétentieux", débile, d'ouvrir sa gueule pour dénoncer le sexisme dans le quotidien.
SupprimerÇa devient même quelque chose de honteux que de dire "je suis féministe", comme si de base on associait ça à des emmerdeuses qui pinaillent sur des choses pas importantes.
Les gens avec qui tu as discuté sont de ceux qui se voilent la face et qui ne comprennent manifestement pas que c'est en s'attaquant a ces petites choses - et de reconnaitre que le sexisme ordinaire existe bel et bien et qu'il s'impose au quotidien - qu'on peut faire tomber le sexisme.
Je comprend que ce soit rageant.^^
Merci pour la mention !
RépondreSupprimerJe suis entièrement d'accord avec ton article. Tout a été dit, entre tes mots et ceux de nombreuses personnes qui se sont indignées très justement.
Merci à toi! ;)
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