Gravure d' M.C. Escher - Mains se dessinant - 1948
Je voulais une belle illustration avec un personnage tiré par les bras d'un côté et de l'autre, comme écartelé, mais j'ai pas trouvé, donc ce sera ça.
Il y a quelques jours, je lisais un
article de Alva Howl sur son blog, dans lequel elle parlais de sa
façon de voir les gens en lien avec sa sociophobie et TAG, et je me
suis dit « elle a tout compris de comment je vois les choses ». C'est ce genre de coïncidence dans nos pensées qui me fait dire qu'elle me connait mieux que personne d'autre.
Je me suis donc posé la question –
comment définir la frontière entre l'empathie et la misanthropie ?
L'hypersensibilité et l'insensibilité ? Et de fait : la
peur des gens et la haine des gens ?
Hypersensible / insensible
Je suis quelqu'un d'hypersensible,
c'est à dire que mes émotions n'ont pas de juste milieu et j'absorbe
les émotions des personnes qui m'entourent.
Ça se traduit par: tu pleures, je
pleure; tu ris, je ris; tu es énervé, je suis énervé; tu as peur,
j'ai peur; et ainsi de suite.
Je suis ce qu'on appelle (enfin ce que
j'appelle) une éponge émotive.
Mais en mode plus mille. Il m'arrive de
pleurer pour des situations certes tristes mais acceptables, ou de
rire à gorge déployée pour quelque chose de tout juste drôle.
Les injustices me rendent folle de rage
et encore une fois déclenchent les larmes. De même je n'ai
quasiment aucune résistance à la moquerie, malgré mon
auto-dérision (car j'en ai malgré tout), et la critique, même
«gentille».
La dernière que mon petit-ami m'a
faite, qui pourtant n'était pas dit de façon méchante ni même
déplacée – mais dite avec ce ton de sarcasme qui lui est propre
et auquel il ne réfléchit même plus – a déclenché une crise
d'angoisse que j'ai eu du mal à lui expliquer par la suite.
Mais il m'arrive de tomber dans
l’extrême inverse: l'insensibilité. Parfois je me montre d'une
neutralité absolue, parfois même mes émotions vont aller à
l'inverse de ce qu'elles sont sensées être, je vais être
profondément triste dans un moment heureux, je peux ne rien
ressentir alors que quelqu'un essaie de me faire rire – même
quelque chose qui déclencherais l'hilarité en temps normal peut me
laisser totalement de glace – il ne se passe rien en moi,
absolument rien.
Parfois même j'éprouve un dégoût
profond lorsque je vois quelqu'un en souffrance. Je me mets dans
l'instant à haïr la personne qui est en face de moi, à la mépriser
complètement. Je n'y réfléchit pas, ce mécanisme est de fait
automatique, et ensuite c'est moi que j'en viens à haïr, je suis
sure que vous saisissez pourquoi.
Empathie /Antipathie
On en vient donc à cela : je suis
à la fois un être empathique et misanthrope. Ce qui semble assez
impossible, mais en moi ces deux caractères se côtoient et
surviennent l'un après l'autre, parfois se superposent.
Comme je le disais d'un côté la
souffrance des autres m'attriste et peut également me dégoûter. De
même que leur joie peut aussi bien m’emporter ou me dégoûter
également.
Tout est affaire de dégoût, soit les
émotions m’entraînent avec elles, soit elles me dégoûtent et ça
n'est pas loin d'un état sociopathique. Il y a des jours où je ne
ressens rien, ou pire, ou voir les autres me mets dans un état de
haine.
Peut importe que j'aime ou non ces
autres, c'est ce qui rend la chose difficile à supporter, car après
cet instant de haine et de dégoût, je me sens coupable et
misérable, car les gens autour de moi – que je les aime ou non –
ne le méritent pas.
Ce paradoxe haine / amour est
profondément ancré en moi et provoque un malaise inévitable.
Peur des autres / haine des autres
Mais ce paradoxe n'est-il pas lié à
ma peur des gens et des contacts sociaux? Lequel est l'origine de
l'autre?
La peur des contacts sociaux induit un
manque de confiance en moi, mais aussi un manque de confiance aux
autres, mais plus encore il induit une haine de moi et une haine de
l'autre, du mépris.
C'est une chose que j'ai toujours
pensé, que je sais depuis longtemps – mon mépris de l'autre est
tout aussi présent que mon empathie naturelle. C'est aussi ce
qu'expliquait Alva, et ses paroles ont résonné en moi et m'ont
rappelé ce que je sais depuis longtemps: je me méprise autant que
je méprise le genre humain.
Mais dans le même temps j'ai foi en
l'humain, et je l'aime profondément, de même que je suis
narcissique et que je m'aime.
D'autre part, j'ai de fait un manque
total de confiance, d'où la peur, l'angoisse, dénommée par le TAG
et la sociophobie, tout est susceptible de me blesser, tout est
dangereux, ça va du contact oculaire à la prise de parole, en
passant par une peur profonde des choses et des événements. Pour
exemple, marcher sous un échafaudage est une torture, se déplacer
dans la foule est une torture, marcher seul dans la rue le soir est
une torture.
Pour illustrer ça je ne vois rien de
mieux pour l'instant que la scène des gnous dans le Roi Lion, la
foule, c'est cette horde de gnous qui ne se préoccupe pas de savoir
si vous allez être piétiné ou non - physiquement comme moralement.
On en devient paranoïaque, on en vient
à haïr les autres avant même de les avoir rencontrés pour le mal
qu'ils pourraient nous faire. Cette haine, c'est la peur de l'autre,
le sentiment inaliénable qu'ils nous sont néfastes.
Quand bien même on a conscience qu'ils
peuvent être tout; qu'ils peuvent être notre plus précieux «bien»
dans la vie, et que la perspective de les perdre ou de ne pas les
avoir connu nous est insupportable.
C'est d'ailleurs ce qu'il y a de plus
dur dans le fait de quitter le chemin de quelqu'un qui a compté à
nos yeux, parce que d'un côté il est très difficile de se rendre
compte qu'ils n'étaient pas ce qu'on pensait qu'ils étaient, à
savoir des personnes qui nous font du bien – dans certains cas.
D'autre part, la séparation – amoureuse comme amicale – est
difficile parce qu'on a peur, peur de perdre ce menu lien social,
peur de ne plus pouvoir en retisser un. Peur d'être isolés, alors
même qu'on a peur d'être entourés.
Mais toute cette peur de l'autre comme
de la solitude implique toujours la nature du moi: confiance ou
manque de confiance, amour ou haine – de soi comme de l'autre.
Quand je me regarde dans le miroir, je
ne sais jamais si ce que j'y voit me satisfait ou non, je m'aime
autant que je me hais, il en va de même à l'encontre de tout ce qui
n'est pas moi.
Empathiquement asociale
Le problème avec tous ces paradoxes
c'est qu'ils ne peuvent pas coexister, ça implique un combat sans
répit de l'un contre l'autre. Mon cerveau est sans cesse tiraillé
entre ces paradoxes, j'en suis venue à penser que ça n'est pas sans
lien avec les troubles dont je fais l'objet.
Dans la sociophobie mon impression est
que tout est une question de paradoxes, tout se mélange, tout est
comme deux forces qui s'annulent et forcent à l'immobilisme.
Si je ne sais pas clairement définir
ce que je suis – hypersensible / insensible, empathique /
misanthrope, narcissique / en sentiment d'infériorité – comment
puis-je décemment me définir socialement et me définir par rapport
aux autres?
Ce rapport est constamment changeant,
tantôt je me sens inférieure, tantôt je me sens supérieure, à
part – mais de ces deux extrêmes il en ressort que je suis
toujours en décalage par rapport à l'autre, que je les craigne ou
que je les méprise, je suis toujours «en dehors», pas à ma place.
Asociale, en somme.
Disons que le caractère social est un
cercle, la société au sens large est un cercle – quel que soit
notre sentiment – infériorité / supériorité - par rapport à ce
cercle, on est de toute façon en dehors du cercle. Quand on pose un
pieds dans ce cercle, parce qu'on est dans l'obligation de le faire
pour survivre – parce qu'il n'y a pas d'autre cercle disponible et
que notre survie dépend de ce cercle – on ne s'y sent de toutes
façons pas à l'aise, pas en sécurité et pas à notre place.
Parce que ce n'est pas de ce cercle là
dont on a besoin ni dont on a envie. De fait un réflexe atavique de
recul se met en marche, il tire un signal d'alarme qui force au repli
hors du cercle.
Ce qui est sûr c'est que l'envie et le
besoin d'entrer dans ce cercle est aussi puissant que l'envie et le
besoin de s'en éloigner.
C'est le paradoxe ultime, de fait on
est contraints à l'immobilisme sur la ligne de ce cercle, avec deux
liens qui nous tirent à force égale d'un côté comme de l'autre de
cette ligne.
Le tout, la clé du problème, réside
en ce choix: couper l'un ou l'autre des deux liens, ou du moins
détendre l'un suffisamment pour pouvoir vivre d'un côté ou de
l'autre de cette ligne, - et donc inévitablement abandonner une
partie de soi.
Le fait est qu'abandonner une partie de
soi ne se fait pas sans douleur, et là est la peur ultime, en plus
de la peur de faire le mauvais choix.
L'incompréhension de l'autre
Pour beaucoup cela semble très simple,
ils sont déjà dans ce cercle, leur moi entier est dans ce cercle,
ils n'ont pas besoin de se demander s'ils doivent choisir, s'ils
doivent perdre une partie d'eux. Ils ne comprennent donc pas ce qu'il
y a de si dur, pourquoi on ne peut pas tout simplement entrer dans le
cercle le plus simplement du monde. Ils n'ont pas conscience de ces
paradoxes.
Ils ne comprennent pas pourquoi c'est
un combat perpétuel à l'intérieur de notre esprit, ils ne
comprennent pas que ce n'est pas aussi simple, pas aussi évident.
Cette incompréhension de l'autre
parachève de nous enfermer dans la peur et la haine de l'autre.
C'est peut-être en fin de compte parce que nous avons conscience que
les autres, les « normaux » ne nous comprennent pas que
nous en venons à les mépriser – quand bien même nous les aimons
et voulons plus que toute chose entrer dans leur «normalité».
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Merci de m'avoir lue jusqu'ici, et
j'espère vous avoir éclairés sur tout ça, si je publie ces pensées
c'est justement parce que j'ai un besoin vital que les autres –
donc vous compris – comprennent. Parce qu'avoir l'assurance d'être
comprise – et donc de ne pas être injustement jugée et de ne pas
souffrir les «conseils» qui vous semblent appropriés mais ne le
sont pas – c'est une clé essentielle de ma guérison. J'en ai la
certitude absolue, tout doit commencer par l'acceptation des autres
de ce que je suis et de mon fonctionnement, parce que les jugements,
les faux-conseils (partant toutefois d'une bonne intention, j'en ai
conscience), empirent les choses.
Pour finir, pour illustrer mon propos au sujet des "faux-conseils", je vous conseille de prêter une attention toute particulière à cela:
Si les conseils donnés aux troubles mentaux étaient appliqués aux troubles / maladies physiques:
Traduction: "Conseils Utiles" - "Je sais que tu as des problèmes d'intoxication alimentaire, mais au moins tu pourrais faire un effort." - "Tu dois juste changer ton état d'esprit. Tu te sentira mieux après." - "Tu as essayé... tu sais... de ne pas avoir la grippe?" - "Je ne pense pas que ce soit une bonne chose que tu prennes des médicaments tous les jours juste pour te sentir normal. Tu n'es pas inquiet que cela te change de qui tu es vraiment?" - "C'est comme si tu n'essayait même pas." - "Bien, être allongé dans ton lit ne t'aide évidemment pas. Tu dois essayer quelque chose d'autre."
Il y en a pléthore du même genre.
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Pour vous faire vite fait un topo de comment je vais: et bien ces derniers mois:
Mon père s'est fait virer de chez moi - ce qui est une bonne chose concrètement - je me suis disputée avec mon frère et je lui ai dit des mots très durs que je ne pensais pas - un peu comme s'ils ne lui étaient pas adressés, et du coup j'ai fait devant lui et ma mère une grosse crise d'angoisse qui m'a mise vraiment KO - tout ça en décembre (pour mon frère c'était le 25, déjà que j'aime pas noël là j'étais servie).
Et je suis dans une phase de neutralité absolue depuis ces deux derniers mois, et c'est marrant qu'Alva ait exposé ça aussi dans son article, tout ce que disent mes proches (et moins proches sur le net) m'énerve au plus haut point et exacerbent ce que je disais plus haut: le mépris que j'ai parfois des autres. Encore que là depuis deux trois jours, ça remonte un peu, mais sans plus.
Je ne suis pas nécessairement malheureuse, je vous rassure, mais je suis dans ce genre de période où on ne veut rien, on ne veut voir personne, enfin bref, un petit moment de déprime induit non seulement par la période hivernale mais aussi par les aléas que j'ai eu à subir ces derniers temps, mais rien de vraiment grave.
Je manque surtout juste d'un peu d'enthousiasme à tenir régulièrement ce blog pour l'instant, mais ça va revenir, ne vous en faites pas. ;)
Des bisous!
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