Cela part de cette réponse de Pouhiou, que vous connaissez peut-être pour les vidéos qu'il publie sur les thèmes du féminisme, des thématiques LGBT, de société, etc. Je vous conseille ses vidéos au passage parce que même si de temps en temps il peut n'être pas totalement au point dans son discours (ça arrive à tout le monde), ses vidéos ont l'avantage de soulever des questions et d'offrir une occasion de se renseigner et éventuellement de se remettre en question.
→ http://ask.fm/Pouhiou/answer/124505843818
Dans cette réponse, il y a deux choses qui ont secoué un peu la sphère féministe de Ask, c'est d'une part ce qu'on appelle le mansplainning - le fait en tant qu'homme de dire ce qu'il convient de faire ou non en tant que femme, et en tant que féministe. A ce sujet il s'est défendu en expliquant qu'il n'en était pas question, mais je vous laisse lire ça vous même: http://ask.fm/Pouhiou/answer/124509520746 .
Mais ce qui personnellement m'a le plus "titillé" c'est son discours sur le militantisme. La meilleure réponse que j'ai lu à ce sujet était celle de QltureConfiture@Preparesseuse : http://ask.fm/Preparesseuse/answer/123038565146#_=_
Le militantisme physique VS le cyber militantisme ?
Ce que cet échange révèle, c'est ce qu'une bonne partie des militants pensent: militer = manifester, donner (financièrement), entrer physiquement dans le militantisme.
J'ai eu envie d'écrire cet article principalement parce que ce n'est vraiment pas la première fois que je lis que ceux qui "ne descendent pas dans la rue" sont inutiles, pas "de vrais militants".
C'est nier totalement l'importance du cybermilitantisme, qui se situe à plusieurs degrés; tout autant que cela coupe la poire en deux: militantisme physique et cybermilitantisme, alors que bien évidemment les deux sont complémentaires et se supportent l'un l'autre.
Elle permet une visibilité jusque là inégalée, sans l'utilisation d'internet, des réseaux sociaux, de la blogosphère, nombreux sont les problèmes dont on n'aurait jamais entendu parler.
QltureConfiture en donne de très bons exemples: Leelah Alcorn et le problème très sérieux de la transphobie, le sexisme ordinaire, et les questions de genre et de sexualité.
Comme elle le dit, internet et le cyber militantisme ont permit, a elle comme a moi, et a beaucoup de gens, de trouver des réponses à leur questions. Sans internet, que saurai-je de la pansexualité, alors que c'est précisément ce qui me définit?
Deuxième point concernant la visibilité, le rapport entre les militant.es et les personnes disons "responsables" est quasiment direct. Dans la "vraie vie" (nb: je déteste les termes qui considèrent qu'internet n'est pas "vrai"), pour communiquer vos doléances à une personne susceptible d'être influente concernant la cause qu'on défend, il faut passer par des étapes qui ont de fortes chances d'échouer. Il est très rare qu'on parvienne à avoir un responsable en face de soi qui nous écoute.
Internet à ceci de particulier qu'il annihile quasiment ce problème, les personnes responsables sont présentes sur ce média et pour leur parler il suffit simplement de leur envoyer un message via les réseaux sociaux. Vos paroles ne passent pas par des intermédiaires contraignants: un tweet, un message facebook, et si cela ne garantis pas qu'on soit écouté, le message est visible, dit, il a atteint son but.
Concernant la visibilité, toujours, le troisième point important est donc la communication. Communiquer est en soi un acte de militantisme, c'est également ce que l'on fait lorsqu'on milite physiquement.
Prenons l'exemple d'un blog: sur un blog on a la possibilité formidable de s'exprimer, et d'expliquer les choses. Et la chose magnifique en cela c'est qu'un blog, si on prend la peine de le rendre visible, est lu. Il est lu par un cercle de vos proches, de personnes que l'ont connait via internet, peu importe, et par effet de diffusion il peut atteindre un nombre incroyable de lecteurs.
Si on s'y prend bien le message est là, directement accessible, par tous.
Militer physiquement donne une visibilité également, manifester dans la rue présente une masse visible, mais à mon sens, le message n'est pas toujours ni clair ni compris, la grande qualité de la communication via l'écrit reste qu'on prend le temps de formuler, d'exprimer un problème.
C'est par ailleurs vrai même sans parler d'internet, lire un document sera toujours plus profitable que d'écouter quelqu'un parler, parce qu'écrire demande du temps, il donne l'occasion de se relire, de compléter une pensée, de la corriger. Les paroles orales sont rarement maitrisées au même niveau qu'un écrit (pour cela il faut être un bon orateur, mais le fait est que tout.e militant.e ne l'est pas).
J'ai personnellement constaté qu'un message écrit est bien plus efficace qu'un message oral.
D'autre part, pour parler de cette "masse visible" irl, elle ne l'est bien souvent que pour un temps. On manifeste un jour, on est peut-être écouté ce jour là, mais le message s'inscrit-il durablement? Cette "masse visible" a une importance non négligeable en ce sens qu'elle est diffusée sur les médias "traditionnels" et peut semer la graine du questionnement dans la tête de celleux qui regardent.
Mais cette visibilité a besoin d'être cultivée, pérennisée. Les écrits sont là pour ça, le fait que chaque jour quelqu'un s'exprime à ce sujet sur les réseaux sociaux et les blogs pérennisent l'action de cette "masse visible".
C'est en partie pour cela que les deux sont indubitablement complémentaires.
Dire que telle façon de militer est "plus importante" que l'autre est un non-sens. Donc, de telle façon qu'on ne peut pas dénigrer le travail de celleux qui sont sur le terrain, on ne peut pas dénigrer le travail de celleux qui militent par leurs mots, en utilisant un outil qui est devenu omniprésent.
Vous n'avez pas le droit de dire à un.e bloggeur/euse / un.e twitteur/euse / un.e facebookien.ne / un.e youtubeur/euse qu'iel n'est pas un.e "vrai.e" militant.e, parce que chaque jour ou presque iels prennent le temps de se questionner et de transmettre un message aux autres qui sans aucun doute possible sera lu et par une partie de ce lectorat compris, assimilé.
L'effet est aussi réel que le fait de lever le poing dans la rue et de distribuer des tracts.
Dénigrer cela c'est dénigrer le travail de centaines de militant.es - féministes, intersectionnel.les, ou autres - qui ont un impact tangible et réel.
Validisme
Le second gros problème dans ce discours "le cybermilitantisme est moins important", c'est comme l'a soulevé QltureConfiture dans sa réponse une notion de validisme.
Tout d'abord, qu'est-ce que le validisme: le validisme est un discours qui exclue la présence réelle de personnes dites "invalides", donc handicapées (physiques ou mental), neuroatypiques, ou souffrant de problèmes de santés plus ou moins invalidants tant sur le plan physique que moral. Ou plus "simplement" les personnes ayant une personnalité considérée à tort comme atypique (introversion, hypersensibilité).
Tout le monde n'a pas la possibilité physique de s'engager dans un combat militant physique, quand bien même on le voudrait réellement. C'est un fait, une vérité qu'il faut cesser de passer sous silence.
C'est mon cas. Parce que je suis sociophobe, atteinte de TAG et dépressive et que par ailleurs je suis hypersensible et introvertie. Lorsque l'on me dit que mon combat n'en est pas un tant que je ne descend pas dans la rue manifester, tendre des tracts, etc, on nie et invisibilise mon invalidité. En soit c'est une oppression.
Comme moi beaucoup ont choisi le cybermilitantisme par désir criant d'apporter leur voix, leur soutien, de changer les choses malgré leur impossibilité physique et morale de s'investir physiquement dans le militantisme.
Nous ne sommes pas "à l'abri du miroir noir de [nos] smartphones". Nous nous investissons tout autant, avec les moyens que nous avons à disposition.
Le jour opportun si on arrive à "guérir" de son invalidité, alors nous feront un pas vers le militantisme physique, parce que dans tout ça il n'est pas question de paresse ou de non-volonté.
Parce que le point important est que militer, changer les choses, est le but vers lequel on tend.
Conclusion
Le cybermilitantisme est un moyen de militer tout aussi important que le militantisme physique, et il est un moyen pour les personnes qui comme moi n'ont pas la possibilité matérielle, physique et morale de militer de faire quelque chose, de faire entendre leur voix.
Je vous quote QltureConfiture:
"Libérer sa parole sur internet, c'est déjà beaucoup. Parce que le principe de base d'Internet c'est que toute voix a de la valeur."
Liens
- Cybermilitantisme, définition sur Wikipédia
- Militantisme, définition sur Wikipédia
- Techniques de cybermilitantisme - Cap Sur L'Indépendance
- Introduction au cybermilitantisme - Cap Sur L'Indépendance
- Cyber-militantisme - Mrs Roots
- Comment le cybermilitantisme a changé les règles du jeu - Trop Libre
- Militer sur Internet, c'est militer quand même - Internet Puke (j'ai commenté cet article en passant, suivez le Hugh Dancy au noeud rose :o) )
- Vie Sociale et Internet - A la Rash
- Internet, une nouvelle plateforme de militantisme - La Vie Eco
- Le Militantisme sur les Réseaux Sociaux - Le Rôle Politique des Réseaux Sociaux internet
- Validisme / Capacitisme - définition Wikipédia
- La Culture du Validisme - 1Libertaire
- Validisme [tag]- Choses Aléatoires
- Validisme [tag] - Au Creux de Mon Âme